Kinshasa toujours sous tension, agitation dans plusieurs provinces

La République démocratique du Congo restait sous tension jeudi, deux jours après les violences meurtrières ayant marqué l'expiration du mandat du président Joseph Kabila: Kinshasa la grouillante capitale n'était que l'ombre d'elle-même alors que se multiplient les incidents dans les provinces de cet État-continent.
Mercredi, une attaque imputée à une secte politico-religieuse n'ayant jamais fait parler d'elle jusque-là a fait 17 morts dans le nord-ouest du pays, dont la cohésion, depuis son indépendance de la Belgique en 1960, a été menacée à maintes reprises.
A Lubumbashi, deuxième ville du pays, dans le sud-est, l'armée a bouclé jeudi à l'aube un quartier théâtre de violences au cours des deux jours précédents et procédé à des arrestations massives.
Dans la capitale, les évêques catholiques de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), qui encadrent des négociations entre pouvoir et opposition en vue d'une période de transition politique, ont convoqué pour 17h00 (16h00 GMT) une séance plénière en vue de l'adoption des conclusions du dialogue. 
La Cenco se montrait optimiste sur leur contenu, ce qui pourrait ouvrir la porte à une sortie de la crise provoquée par le maintien au pouvoir de M. Kabila après le report sine die de la présidentielle. Le second mandat de M. Kabila, au pouvoir depuis 2001, s'est achevé mardi. La Constitution interdit au chef de l'État de se représenter.
Les affrontements ayant opposé mardi policiers ou soldats à des jeunes hostiles à M. Kabila, ont fait 22 morts à Kinshasa, Lubumbashi et dans deux villes de l'Ouest, selon la police nationale.
L'ONG Human Rights Watch a affirmé jeudi avoir documenté le décès de 34 personnes dans ces violences. L'ONU, elle, a avancé mardi un "bilan provisoire" de 19 morts "confirmés", susceptible d'augmenter.
La Cenco a demandé mercredi une "enquête indépendante" pour établir les "responsabilités" de ces violences.
Le calme est revenu mercredi dans la capitale, mais la mégapole de 10 millions d'habitants ne retrouvait que lentement son rythme habituel jeudi. Les forces de l'ordre y sont déployées en nombre et imposent la nuit des barrages routiers.
Délocalisation
Dans plusieurs provinces, les événements des derniers jours semblent réveiller de vieux démons de l'Histoire. 
A Lubumbashi, fief de l'opposant en exil Moïse Katumbi, le quartier bouclé par l'armée est réputé habité par des Kasaïens, originaires du Kasaï, région du centre du pays. Mercredi, le gouverneur du Haut-Katanga, Jean-Claude Kazembe, avait dû fuir ce quartier sous des jets de pierres, après avoir tenté de participer à une "marche de la paix" destinée à montrer que les autorités maîtrisaient la zone.
M. Kazembe a fait porter la responsabilité des violences de mardi à plusieurs dizaines de "voyous venus de Mbuji-Mayi et Kananga", les deux grandes villes du Kasaï, province d'origine de l'opposant historique Étienne Tshisekedi - qui a appelé à "résister pacifiquement" au maintien au pouvoir de M. Kabila - et du nouveau Premier ministre Samy Badibanga.
Le début de la décennie 1990 a été marquée au Katanga par des massacres à grande échelle des Kasaïens, accusés de voler les emplois des autochtones.
Depuis l'accession à la tête du pays, en 1997, de Laurent-Désiré Kabila, père de Joseph, la quasi-totalité des postes-clef du pouvoir sont détenus par des Luba du Katanga. Le nord de cette région grande comme l'Espagne est déchiré depuis deux ans par un conflit opposant Bantous et Pygmées ayant encore fait des morts mardi.
A Kananga, des affrontements meurtriers (au bilan toujours inconnu) ont éclaté mardi entre l'armée et une milice apparue récemment pour contester l'autorité du gouvernement de Kinshasa. En 1960-1961, Kananga a été la capitale d'un état kasaïen ayant fait sécession, tout comme le Katanga, qui ne sera finalement rattaché au pays qu'en 1964.  
A Lisala, dans la Mongala (Nord-Ouest), au moins 14 miliciens et trois policiers ont été tués mercredi. Selon le gouverneur de la province, ces affrontements ont été provoqués par l'attaque d'adeptes d'une secte millénariste dont le gourou, tué mercredi, voyait dans la fin du mandat du président Kabila le début de la fin des temps.
Pour Thierry Vircoulon, spécialiste de l'Afrique centrale enseignant à Sciences-Po Paris, "l'espace de la contestation étant verrouillé à Kinshasa, l'épreuve de force pourrait se délocaliser en province et prendre la forme de rébellions locales".
L'Est de la RDC, en particulier le Kivu, reste déchiré par de multiples conflits armés depuis la fin de la deuxième guerre du Congo (1998-2003).
Le Kivu et le Kasaï "pourraient fort bien s'enflammer en 2017", craint M. Vircoulon dans un article publié le 18 décembre.
AFP

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