Le Règne Planétaire du Sebene : l'Arme fatale de la Musique Congolais

Le succès continental des Z
Avec la guitare solo congolaise, la mode sebene a dominé la planète africaine ces dernières décennies au point d'influencer profondément les autres genres de variété musicales, sur plusieurs continents ! Le sebene partant avec le handicap de la sous-médiatisation… Très fort !

Connaissez-vous des artistes européens de premier plan, de quelque style musical que soit qui puissent, sans faire les Unes des journaux people à grands tirages, sans passage télé, sans campagne d'affichages et d'annonces nationales avec une batterie de partenaires, remplir les immenses salles de spectacles que sont Bercy ou le Zénith en France par exemple. Ces performances sont devenues des défis pour les stars congolaises qui se succèdent à faire le plein dans les temples européens de la musique : Zaïko Langa Langa, Papa Wemba, Koffi Olomide, JB Mpiana, Werrason, et bien d'autres moins en vue, tels sont les monstres du son kinois, qui mettent depuis plusieurs décennies toute l'Afrique subsaharienne au pas et ce qui est loin d'être une formalité.

Le succès continental des Z qu'une bouillonnante compétition oppose entre les leaders, les a poussé à l'assaut d'autres marchés, d'autres mélomanes, d'autres fanatiques. Suivant souvent les déplacements et migrations africaines, la musique congolaise s'est imposée en Europe et surtout aux Antilles et Caraïbes avec la puissance d'impact d'un météorite ricochant sur la planète terre. Les Caribéens déjà séduits par le Soukouss des années 80 n'ont pas loupé le coche à l'ère du N'dombolo et Kisanola, maîtrisant la position de tir du danseur en équilibre.

Le territoire de conquête le plus surprenant reste l'Amérique latine où les icônes congolaises sont largement connues et leurs tubes déclenchent de véritables hystéries dans les boîtes de nuit.

La potion magique kinoise, un savant mélange d'innovations chorégraphiques permanentes, haranguées par un fatal atalaku, et des structures musicales rumba congolaise, lentes ou accélérées, qui évoluent très progressivement sur l'horizon de la décennie, en injectant des sons, effets, variations et inédits à dose homéopathiques.

Comme disaient Zaïko Langa Langa...
Bien sûr les artistes congolais sont un spectacle à eux tous seuls, dans leurs tenues de scène qui assemblent comme eux uniquement savent l'inventer, des couleurs, des pièces curieuses -chapeaux, écharpes, capes, jabots, bijoux…- et des coupes de vêtements impensables sont autant d'éléments qui alimentent en permanence l'actualité des méga stars Z et de faits divers des magazines afro.

Tout le continent, de l'Afrique australe à l'Afrique de l'Ouest où d'autres conceptions harmoniques sont courantes, subit l'influence du son Z, jusqu'à en copier le style. On rencontre de plus en plus de fusions de musiques locales avec le sebene congolais, et d'une façon générale les musiques de variétés africaines dans l'ensemble adoptent comme principe musical la possibilité d'intégrer l'animation vocale et guitare à la congolaise ! Sur une durée longue de plus de trois décennies de suprématie, on trouverait péniblement une concurrence continentale sérieuse. Comme disaient Zaïko Langa Langa d'eux-mêmes, Toujours imités mais jamais égalés ! C'était pour la modestie du tenant du titre.

L'influence du sebene se retrouve dans les musiques caribéennes, en Réunion, en Colombie où des groupes locaux louent les services d'artistes congolais. Des autorités musicales respectables comme Carlinos Brown, deus ex machina de la scène afro-brésilienne, s'essayent à l'injection de sang sebene dans leurs productions.

Les mauvaises langues insinuent régulièrement que le son kinois ne se renouvellerait pas, n'évoluerait pas et s'appauvrirait chemin faisant. Cette remarque de fond est vite balayée par le mélomane qui constatera que les stars Z sont championnes de l'expérimentation, intègrent, sans rupture, des touches progressives qui colorent lentement les textes et les sons, ce n'est que des années plus tard que les changements radicaux apparaissent. On se souvient des expériences ragga introduites par les Wengue Musica BCBG dans l'album Pentagone, des phrases rap de Koffi Olomide, les Zaïko avaient en leur temps popularisé l'atalaku en bousculant l'ancienne rumba langoureuse, et le synthétiseur de Tabuley était subverti en contributeur rythmique à l'animation dans Nippon Banzaï. Ce sont ces mêmes Zaïko, avec à la baguette les vénérables maîtres guitaristes Shiro et Baroza, il y a quinze ans qui osaient aménager un son de guitare rock à distorsion, sur un tempo Z bien balancé. Il fallait y penser, aujourd'hui la pratique s'est répandue, y compris chez les imitateurs que l'on ne citera pas. Tika ba idéologie, polémique éza té -Pas d'idéologie.

Elles ne seront malheureusement peut-être jamais suffisamment inscrites dans les livres de l'histoire de la musique, pourtant sans elles combien de crève-la-faim auraient succombé, combien de jeunes désespérés, de paupérisés et de déflatés auraient lâché prise d'avec le mince fil de survie les rattachant encore à la société environnante.

Un salut chapeau très bas à ces créateurs, innovateurs de l'ombre, ces détenteurs du son magique Kongo, le sebene en puissance, les Popolipo Zéro faute, les Shiro, les Baroza, les Huit Kilos, les Dally Kimoko, les Diblo Dibala, les Fi Carré, les lacoste, les Alain Prince Makaba, les Japonnais Hokito, et leurs continuateurs, Bo léki Bango !

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